Aimé Césaire adoube Fabius

(Le Parisien article de Nathalie Segaunes, 24 février)

Le périple de Laurent Fabius, commencé lundi par la Guyane, se poursuivait hier par la Martinique. Département dans lequel nulle visite politique n’a de sens si elle ne passe par le bureau d’Aimé Césaire. Le poète et fondateur du Parti progressiste martiniquais, maire de Fort-de-France pendant cinquante ans, est une véritable icône vivante sur l’île. Etre ou ne pas être reçu par lui n’est pas neutre. Et, hier, le chantre de la négritude avait décidé de signifier clairement sa préférence pour Fabius dans la perspective de la présidentielle.

Ponctuel, Césaire met d’interminables et douloureuses minutes à s’extirper de sa voiture. Agé de 92 ans, il est un homme considérablement affaibli. Et parce qu’ "Aimé" est trop faible pour monter à son bureau, on a installé à la va-vite deux fauteuils dans le hall de l’ancien hôtel de ville. Les deux hommes s’assoient. Fabius prend la main tremblante de Césaire dans la sienne. Le dialogue commence.
- "Je suis content de te voir, dit Fabius. Je sais que tu es en difficulté aujourd’hui, cela me touche d’autant plus.

- J’aurais trouvé indécent de ne pas te rencontrer, sourit le vieil homme.

- Ta position contre la loi scélérate sur le rôle positif de la colonisation a eu de l’écho, poursuit un Fabius aux anges. Comment sens-tu la Martinique ?-

Elle est désorientée, répond le vieux sage. Un monde se termine, un autre cycle va commencer. J’ai la faiblesse de penser que ce sera le cycle Fabius.

- On va essayer de ne pas te décevoir, admet le candidat. Tu me mets une lourde responsabilité sur les épaules.

- Je crois que tu es l’homme indiqué, insiste Césaire, l’oeil malicieux.

- Il faut qu’on arrive à rassembler la gauche, soupire Fabius.

- Je devine les difficultés, rigole Césaire, mais ça vaut la peine."

Puis vient le moment des dédicaces : "A Laurent Fabius, un homme jeune et nouveau pour une ville nouvelle, un pays nouveau, un monde nouveau, écrit Césaire sur l’un de ses ouvrages. Nous avons confiance et espérance deux mots qui résument à nos yeux Laurent Fabius". Ce dernier à son tour signe le livre d’or : "Pour Aimé Césaire et la Martinique, en hommage et émotion, souhaitant être digne de la confiance et l’espérance."

Alors que Nicolas Sarkozy arrive dans l’île le 4 mars et souhaite rencontrer Césaire, ce dernier fait mine de ne pas entendre lorsqu’on lui demande s’il recevra le ministre de l’Intérieur. En tout cas, un comité d’accueil musical a déjà été prévu pour Nicolas Sarkozy. Fabius a pu s’en rendre compte en rencontrant un peu plus tard le chanteur Eric Virgal. Pour le carnaval, ce dernier a composé une chanson qui fait fureur sur l’île. "Sarko, on t’a attendu et tu n’es pas venu", se moque-t-il. "Promenons-nous à Fort-de-France tant que Sarko n’y est pas, dit le refrain. Si Sarkosy était, on serait karcherisé..." Ce zouk endiablé a presque autant ravi Fabius que l’hommage de Césaire.

Retrouvez toute l'actualité de Laurent Fabius sur www.laurent-fabius.net.

Comments

[rotko]

cette petite precision d'aimé Cesaire : "la Martinique représente environ un tiers d'un département français. En est-il tant, en France, qui offrent un tableau si luxuriant d'écrivains, de poètes, de musiciens, de polémiques, d'amour, d'amertume, de promesses ?"

Edouard Glissant, Césaire, Chamoiseau, Confiant ...

[Dominique]

Je suis sur que Frêche va lui apporter son soutien et faire campagne pour lui !